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COUCOU NET 12 ème


Lundi 18 février 2002

Pour quitter la Dominique nous nous sommes coltinés quatre heures de moteur le long de la côte. Mais je ne devrais pas en parler de cette manière car c'était un véritable enchantement. La mer était plate, le moteur ronronnait de manière sympathique. Je me suis étalée dans le cockpit, le dos calé dans les coussins, à l'ombre du bimini. L'air de déplacement du voilier me rafraîchissait juste comme il faut. Nous avons longé des kilomètres de forêt tropicale protégée du vent par la masse des sommets arrondis. Des petits hameaux noyés dans la verdure semaient de rouge, vert ou jaune cette côte magnifique. On doublait des barques tranquilles magnifiquement colorées. Les pêcheurs nous saluaient avec de grands sourires, tout en traînant leur fil à pêche d'une main nonchalante. Nous échangions d'agréables politesses. Quelle quiétude !
Lorsque nous avons traversé l'accueillante baie de Porstmouth nous avons bien failli nous y arrêter. Finalement nous avons décidé que nous nous réservions cette découverte pour plus tard...
Laurent a profité de cette promenade salubre pour remplir les cuves d'eau dessanilisée neuve.
L'alizé était très sympa lorsque nous l'avons enfin touché. Un dynamique 15/20 noeuds avec une mer peu agitée mais sans surprise et un bord bien stable. Navigation de rêve au largue, toutes voiles dehors. Il faut savoir que l'alizé à cette époque de l'année est encore très soutenu. Je crois bien que nous commençons à perdre de vue ce qu'est une navigation dite musclée, parce que si le vent est rarement violent, il n'est jamais tendre non plus.

Très rapidement les côtes ont dessiné leurs contours sous les nuages. Plus on se rapprochait, plus je me demandais quelle île on voyait. Depuis la mer, on ne distingue pas les séparations entre les terres. Si une île dépasse d'une autre on ne voit qu'un morceau de terre avec différents sommets vers l'arrière. En arrivant aux Saintes, j'ai d'abord vu un long, très long plateau qui s'étalait sur je ne sais combien de milles. D'un peu plus près la mer par endroit s'insinuait dans cette large terre. Au loin, beaucoup plus au nord de hauts sommets déchiraient le ciel. Comment reconnaître les îlets de l'archipel dans cette masse sombre qui vue du large semblait parfaitement soudée ? Peu à peu, A quelques milles de la côte les masses sombres devenaient des rochers ou des forêts. Les îles prenaient peu à peu chacune leur place, posées bien à leur place, dans la mer conformément aux cartes marines. Nous pouvions alors repérer les sommets remarquables, et les caps accessibles. Quelques sauts de vagues plus loin, les masses claires se sont transformées en groupes d'habitations, des échancrures dans la côte, des routes, des plages... Nous avons commencé à croiser sur l'eau quelques autres plaisanciers, des navires de pêche. La mer se peuplait. Encore une petite heure de navigation et on a pu distinguer à terre les fenêtres des maisons, les portes, le linge qui séchait, les voitures sur les routes. Voir circuler des voitures qu'on n'entend pas, j'adore ça. Mais ça ne dure pas longtemps. Rapidement, les rumeurs de la civilisation nous ont chatouillé le moral. On entendait aboyer les chiens, chanter les coqs. tinter les clochers.
A chaque atterrissage, je ne me prive jamais de cette découverte purement visuelle qui ne tient compte que de ce que j'imagine et des images géographiques très approximatives que j'ai en tête. C'est quand nous sommes tout proches des côtes que je sors enfin de ce monde miniature... Laurent plus pragmatique confronte en
permanence sa vision à celle de la carte et du GPS.... Lorsque j'annonce fièrement que la petite maison rouge sous le cocotier de la plage a des volets verts... J'ai toujours l'impression de le surprendre. "De quoi tu me causes là ?" Son regard attentif cherche au delà de ma propre vision l'entrée de la passe vers l'intérieur de l'île. C'est le moment où je réalise soudain que nous ne sommes plus seuls en mer, parfaitement libres d'espace et de navigation. C'est le moment fatidique où la côte soudain devient réelle et me paraît trop proche. C'est le moment incontournable pendant lequel j'enquiquine Laurent parce que moi enfin, j'atterris... Laurent a de graves responsabilités à bord. Il doit assumer mes inquiétudes...
- T'es sûr du GPS ?
- Tu ne trouves pas qu'on est trop près des rochers. ?
- J'ai l'impression que la passe est nettement plus à gauche.
- pourquoi les autres bateaux y passent pas comme nous ?
- T'as vu y'a un rocher. C'est pas parce que certains passent qu'on doit le faire.... Contourne le, s'il te plaît, je préfère....

Ca fait belle lurette qu'il a anticipé tout ça. Forcément je l'énerve. Forcément sa réponse ne varie pas d'une lettre quel que soit mon souci. Et ce n'est pas forcé mais il est comme ça, il manifeste tranquillement son agacement.
- T'inquiète pas, ça passe. Y a aucun problème !

L'atterrissage aux Saintes a été vraiment facile. Il y a quelques bateaux au mouillage que nous choisissons
à l'abri d'un gros rocher "le pain de sucre". C'est remarquablement protégé, et le site est idyllique. Lorsque la nuit tombe, la plupart des bateaux lèvent l'ancre. Nous nous posons des questions, mais notre ancre est bien plantée. Nous avons au moins 40 mètres de chaîne, et nous avons testé notre tenue en marche arrière moteur. Le météo n'annonce rien de particulier. Tant pis pour ceux qui désertent, nous on est des pachas ici.
Nous supposons que c'est dimanche soir, et que toutes les embarcations qui nous quittent retournent au boulot...

Nuit calme et sereine, comme à la maison. On se lève tôt pour partir à pieds à la découverte de Terre de Haut. Nous passons à travers une forêt de mancenilliers très ombragée pour éviter la route fort bruyante et débouchons au pied d'une petite colline qu'il nous faudra monter puis redescendre à travers hautes herbes, manguiers et amandiers enchevêtrés. Grâce à ce crapahutage nous surprenons des iguanes qui se prélassent sur les branches basses, des mangoustes qui filent sous les frondaisons.
En ville, l'ambiance change. Elle n'est organisée que pour le tourisme. Une grande rue de restaurants, de boutiques artisanales... et des scooters, des scooters, que des scooters... quelques vélos , à peine. L'activité touristique est intense, franchement pénible.. Mais je ne devrais pas dire ça, nous faisons partie de cette masse de touristes agités.
Dans les îles du sud, la population est majoritairement métissée ou noire. A la Dominique d'où nous venons, le population est très très noire. Leur peau est brillante, scintillante sous le soleil. Ils portent presque tous la coiffure si compliquée des rastas, quel que soit leur âge. Les tous petits avec leurs petites touffes de cheveux tressées de fils de coton ont des bouilles irrésistibles. J'ai croisé là des hommes et des femmes d'une esthétique irréprochable. Ici, On se croirait dans une île de métropole, genre Porquerolles. Nous sommes déroutés
Aux Saintes, la population est en majorité blanche; Il paraît que les premiers colons étaient bretons et que le métissage a été très restreint. C'est une île aride et il n'y a pas grand chose à cultiver ici. Ce qui explique peut-être que les esclaves africains n'y aient pas été importés, en ce temps là....
Mais nous avons aussi découvert des plages et des sites sauvages très agréables. Dès qu'on sort de la rue principale on se débarrasse vite de l'effervescence touristique. Et puis, de retour à notre mouillage si bien isolé, on se retrouvait chez nous,. Nous pouvions goûter de doux moments de détente. Flotter avec le hamac à la fois dans l'air et dans le temps....
Le 19 février nous passons la soirée en "ville". Longues recherches un peu fastidieuses. C'est l'anniversaire de Laurent et je veux lui offrir un bon resto... une soirée smart, chic, cuisine fine et délicate. Mais il est dur de choisir dans cet étalement d'établissements. Ils proposent tous la même carte à peu de chose près. Les prix sont abordables mais rien de génial. On envisage de reporter ça à plus tard, pour Pointe à Pitre peut-être. Au retour on s'arrête devant le restaurant de la Marine. Peut-être que nous l'avions loupé à cause de son nom si standard qui ne promettait rien de faramineux. Génial ce resto... On s'est installé là, face à la magnifique baie. En douce j'ai demandé au patron s'il pouvait m'improviser un petit dessert sympa "anniversaire"... On a commencé au ti-punch, incontournable désormais. On a sifflé notre bouteille de rosé "de Saint Tropez", rien que ça. On était follement gai tous les deux. Une équipe d'une douzaine d'anglais en bordée étaient encore plus gaie que nous, et l'humour qu'on s'est baragouiné d'une table à l'autre était d'autant plus joyeux que chacun comprenait ce qu'il voulait. Quelle soirée !

Mercredi 20 février 2002

Nous avons retrouvé par radio notre premier copain de Navigation, Jean Pierre.
Don nous gardons les Saintes en réserve pour plus tard et nous décidons d'aller rejoindre Jean Pierre pour faire connaissance de sa famille dans la rade de Pointe à Pitre avant son départ vers Saint Martin.

Pour venir des Saintes à ici, ce n'est guère intéressant. Nous avons navigué au prés très serrés et tirer des bords qui n'en finissaient pas de s'allonger. Le vent entre 20 et 25 noeuds nous a posé problème. Nous avions pris deux ris parce que par moment il y avait de belles poussées sur la toile, et par moment nous n'avancions qu'à 5 noeuds. Nous avons mis 7 heures pour faire 24 milles sur la carte. On a du en faire une soixantaine.. Vraiment pas efficace sur ce coup là, les navigateurs...
Le mouillage où nous attend Jean Pierre n'est pas terrible. Au bord du chenal qui mène à la ville, il est souvent secoué par les navettes, par les cargos, par les canots, enfin tout ce qui peut flotter sur l'eau, immeubles marins ou petites embarcations trop nerveuses... Tout ça nous fatigue. Après le mouillage si doux des Saintes, c'est dur.
Toc toc, contre la coque.... Bonjour..... Surprise!
C'est le "faux cousin" de Palmeira.... Souvenez vous, ce couple qu'on avait pris pour le cousin de Laurent. ... Ils ont reconnu le bateau et nous font un petit coucou.
Ils nous incitent à rejoindre leur mouillage, lîlet aux cochons, qui est juste en face, un peu plus loin de la ville, mais tant mieux. Trois ou quatre bateaux, un vaste et bel espace derrière des "cayes" (rocher affleurant) qu'il suffit de contourner...

Donc nous voilà dans un autre site de la rade nettement plus confortable et particulièrement joli. Ici, l'eau est propre et on ( enfin -on- c'est Laurent tout seul) peut se baigner directement du bateau. Il paraît que c'est super... Je ne peux pas vous parler de ça, je connais pas...

Nous aimons bien Pointe à Pitre. C'est plus vivant, plus gai que Fort de France. Un jour nous avons pique-niqué sur un banc. Nous avons partagé notre repas avec une jeune fille qui nous a fait une place à l'ombre. Puis une très vieille dame est venue me demander de cocher ses cases "loto". (Vous me porterez bonheur at-elle dit paraît-il). Sur le coup on a rien compris, elle n'avait plus de dents, sa langue devait pas trouver les repères habituels. Son parler créole français était ainsi une drôle de bouillie de langage. Déjà que c'est pas toujours audible. Heureusement la jeune fille était là pour sauver notre lenteur d'esprit. Donc, la vieille dame s'est inscrite à notre pique nique; on a partagé ce qu'on avait chacune. Les dames nous ont parlé de leur village respectif, de la vie à Pointe à Pitre. Où trouver d'excellents boudins antillais, comment cuisiner le fruit à pain, la christophine... Où acheter les épices, (surtout pas au marché artisanal). Comment marchander les bananes, les pamplemousses, les ananas, qui sont délicieux mais affichés plus chers qu'en France.... La vieille dame était fascinée par Florence... Sans arrêt elle revenait sur son idole...
- Elle a une maison à la Guadeloupe
- (?),
- si si.... ça lui plaît ici. Elle y habite souvent.
- Ah bon !
- Vous savez quel âge a sa fille ?
- Vous croyez qu'elle a une fille ?
- Oui bien sûr, peut-être même qu'elle en a deux. - Elle s'est mariée finalement ?
- ????
- Vous devez la connaître, elle est souvent en France !
- Ben non, désolée, pas personnellement.
- Ah, Dommage ! Elle est bien Florence... On est fière qu'on l'a...
- Ouhais, c'est une rude bonne femme.
- Et puis intelligente, et puis courageuse. Si nos jeunes étaient comme ça !

et patati et patati.... J'ai plus ou moins répondu comme s'il s'agissait de Florence Artaud qui est de la France. Les créoles quand ils parlent de la métropole disent "la France".... Nous on n'ose pas, on dit la métropole de crainte de les froisser...


INTERMEDE COUCOU NET

- Allô Docteur, ici c'est la Noiraude.
- Ah la Noiraude, Bonjour, alors comment ça se passe les Antilles. Vous avez adopté le ti punch ?
- Vous êtes fou, ça empoisonnerait mon lait; mais j'ai un autre problème
- Allons bon, qu'est ce qui vous arrive encore ?
- Des fois, je me penche au dessus de l'eau. C'est joli les poissons en liberté. Et aux Saintes, la mer était tellement lisse que je me suis vue dedans.
- N'allez pas me dire que vos poils ont bronzé.
- Non bien sûr, mais tout autour du museau j'ai vu que du duvet avait poussé autour de mes yeux, autour des mes babines, et même sur mon nez....
- Ce n'est rien, c'est seulement quelques poils noirs ou blancs de plus.
- Ben non, justement, c'est pas ma tête habituelle, c'est du duvet doré... De quoi je vais avoir l'air avec des rouflaquettes dorées ?
- Ne vous inquiétez pas la Noiraude, doré c'est à la fois discret et élégant, et il ne s'agit que d'un léger duvet. C'est juste à cause de la chaleur et de l'humidité. Ça disparaîtra dès que vous rentrerez ici. Vos poils aussi ont du s'allonger.
- Oui, justement, j'ai aussi ce problème là. Mes poils poussent à toute vitesse.
- Je ne vois pas où est le problème. C'est joli des longs poils, vous aimez bien les setters ou les épagneuls.
- Mais docteur, je ne suis pas une chienne, je suis une vache. Vous imaginez le drame si je me prends les sabots dans mes poils qui traînent par terre. Et puis, je ne veux pas être une vache à rouflaquettes et à poils longs.