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Histoire d'une traversée
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MINDELO (Cap Vert) ---> Le Marin (Martinique)
Samedi 5 janvier 2002
Quelques mots sur Mindelo. C'est une ville a l'aspect très
provincial avec quelques maisons colorées de style colonial. Tout de
même, c'est de l'exotisme qu'on vient chercher ici. La tour fortifiée
de Belem, incongrue dans ce ciel d'Afrique, affiche l'histoire du pays et
son influence portugaise.
Nous sommes loin de la sérénité de Palmeira. Il n'y a
pas de port, juste un immense mouillage . Le vent dévale de l'île
voisine de santo Antao entre les sommets de San Vincente. Le mouillage est
au fond de ce vaste entonnoir. L'effet venturi est éprouvant. Nous
restons confinés à l'intérieur du bateau. C'est franchement
dommage. Prendre l'annexe pour aller à terre relève de l'exploit.
A la rame, il vaut mieux ne pas y compter. Notre gardien sénégalais
est agréable et sympa. On a passé avec lui un contrat oral pour
un forfait journalier de 500 escudos (=5 euros), garde systématique
du canot, de jour comme de nuit, prise en charge de nos poubelles, aide aux
transbordements de nos vivres...enfin tous services adaptés à
nos servitudes de mouillage.
Que dire de Mindelo ; que le marché est minable ; qu'on se fait souvent
accoster par des ambulants africains (Sénégal-Ghana-Mali) et
que c'est quelque peu agaçant ; que le vent très violent soulève
de vrais nuages de poussière ocre ; que cette poussière masque
souvent le fond de la baie et question paysage, ça laisse à
désirer ; que Laurent y a noyé son portefeuille avec ses papiers,
sa carte bleue et quelques petits sous...
Bref, qu'on a décidé de changer de site et qu'on prend le large
demain....
Le Cap Vert ne dispose d'aucun équipement spécifique pour les voyageurs de la mer et les mouillages sont franchement pénibles. Il vaut mieux venir ici en avion et s'y offrir d'un bon hôtel la découverte des îles....
Dimanche, 6 janvier 2002
Je ne sais pas si c'est de bon augure, mais nous quittons la
baie de Mindelo presque au calme à 12 heures TU. Relève de mouillage
sans histoire, les bateaux copains qui nous entourent fêtent notre départ
dans un sympathique concert de cornes de brume. On est carrément euphorique.
Je suis sûre que notre bel optimisme auréole notre embarcation.
Vous vous rendez compte, on va traverser l'atlantique, tous les deux tous
seuls, l'aventure commence... Petit pincement dans l'intérieur du corps,
et magnifique impatience...
On a toujours raison de rêver, raison d'espérer, (c'est toujours
ça de pris sur l'adversité). Mais la dure réalité
de la navigation nous tombe vite sur les voiles; A peine le voilier engagé
dans le couloir entre les deux îles, (San Antao, San Vincente), l'effet
Venturi nous bouscule violemment. On s'y attendait. On était toilé
très modeste, 1 ris dans la grand voile et trinquette. Mais le rappel
est sévère. La mer est hachée, torturée, affreusement
pénible. Nous naviguons ainsi pendant deux heures de secouage permanent.
D'énormes giclées de vagues nous bondissent dessus par le travers.
Les claques sont glaciales et éprouvantes malgré la capote.
Pourtant j'ai dans les yeux l'image magnifique des rochers sur lesquels la
mer brise en lames violentes. Nous dépassons San Vincente. Nous sommes
sortis du couloir et de ses effets dévastateurs ; Autre genre de galère,
le calme absolu, irrémédiable et désespérant de
la mer masquée par l'île San Antao que nous longeons pendant
deux bonnes heures au moteur évidemment... En fin de soirée,
nous sommes à une vingtaine de milles de la côte, elle s'estompe
gentiment, mais on est toujours en panne de vent. Le calme est revenu, nous
nous détendons, il suffit de s'armer de patience en attendant le vent...
Nous quittons la terre en douceur et c'est si bon de partager le spectacle
vivant de la mer assagie.
Nous sommes rattrapés par une famille de dauphins qui apparaît
à bâbord nous dépasse et prend la ligne devant l'étrave
pour nous guider un bout de chemin. Il y a un gros spécimen plein de
cicatrices, que nous décidons être le papa ; un spécimen
plus fin, plus élégant à la peau lisse et brillante qui
est sûrement une jeune maman ; les deux enfants suivent...
Les parents tiennent la route, à distance égale de l'étrave.
Mais les gamins sont turbulents ; ils se chevauchent, coupent la route aux
adultes, font des cabrioles. De temps en temps, l'un d'eux se laisse dépasser
par le voilier, on le voit soudain faire un bond le long de la coque, il tend
son nez vers nous.... Petit curieux va ! Lorsque l'un passe à portée
d'un parent, il se prend un coup de nageoire bien appliqué. Est-ce
une calotte de rappel à l'ordre ou une caresse affective ? Laurent
et moi on est subjugué. On se penche comme des malades par dessus le
balcon avant pour les voir de plus près. Laurent tente quelques photos,
c'est pas facile; C'est que c'est vif ces sympathiques animaux. On voudrait
bien les garder avec nous, le plus longtemps possible. On fait comme y'en
a qui font pour les attirer... Laurent tape sur la coque à s'en faire
péter la paume de la main. Et moi pour me donner une contenance, faire
celle qui réagit aussi, je pousse des petits couinements qui voudraient
imiter le cri de Flipper (le dauphin).
Se lancer à travers l'atlantique en pareil équipage toute de
même ça a de l'allure... Quatre dauphins qui ouvrent la marche,
le voilier qui les poursuit avec à l'avant un couple cocasse, dont
un mec qui joue du tam-tam sur la coque et une qui pousse des petits cris
de poule effarouchée..
On a sûrement l'air malin... Mais c'est ça qui est génial,
on est les seuls à le savoir et on s'amuse follement...
Avant que tombe la nuit, la balade dominicale des dauphins à pris fin.
Notre accompagnement musical et anarchique a du finir par les écoeurer.
Les poissons volants bondissent hors de l'eau. Au début on admirait
leurs ricochets, lequel ira le plus loin, on faisait des paris ? On croyait
que d'un violent coup de queue ils se propulsaient hors de l'eau pour échapper
au prédateur. Mais point du tout. Il s'agit de vrais vols. Ces étonnants
poissons sont équipés de nageoires pectorales comme des voiles
qui battent l'air. En fait ils les utilisent comme des ailes. Ils se déplacent
au dessus de l'eau en dirigeant leurs longs sauts planés au dessus
des vagues. Ce sont de magnifiques libellules grosses comme des sardines.
Ils ne sont pas très doués et souvent ils tombent sur le pont.
Laurent qui affiche rarement sa culture les appelle des "exocet".
J'aime bien ce nom. "Exaucé"... Alors quand j'en trouve un
qui se tortille sur le pont, échoué là par inadvertance,
je lui file une petite pichenette pour le rendre à son milieu et je
fais un voeu... Dans les images d'Epinal, il y a tout plein de bonnes fées
en perdition qui sont ainsi sauvées par des humains compatissants.
En échange, elles couvrent leur sauveur de bienfaits... Donc, j'en
sauve un maximum. Il ne s'agit pas que je loupe ma bonne fée... E je
fais toujours le même voeu. Je ne vous dirai pas lequel , ça
romprait le charme.
Le vent très doucement s'installe, en une demi heure on obtient un
bon courant d'air force 4/5, allure sympathique de largue. Hélas, il
faut compter avec l'état de la mer. Une houle profonde de 3/4 mètres
nous prend toujours par le travers. On est salement secoué. Avec la
nuit qui tombe, la mer devient toute noire. La houle, c'est un mur sombre
qui glisse sous la coque et nous renverse pour réapparaître sur
l'autre bord. J'ai l'impression de naviguer entre deux murs. Je me sens vraiment
mal tout d'un coup. L'angoisse vous savez, cette sensation terrible d'oppression,
de trouille insurmontable, incontrôlable... Les vagues frappent violemment
la coque. L'écume bouillonne au ras du pont. Des petits yeux verts
et jaunes étincellent et cherchent à envahir le cockpit... Le
ciel est tout couvert, il n'y a pas de lumière céleste. D'un
coup notre allure change, le spido affiche 7 noeuds puis 9 (On a 1 ris dans
la grand voile et le foc est déroulé) ... Les vagues qui s'écrasent
contre les flans du voilier font un barouf épouvantable. Je crois sentir
quelques gouttes. Faudrait-il pas réduire la voilure ? On ne sait pas
ce qui nous attend, la nuit tombe. On décide de prendre 3 ris et de
rouler la moitié du foc... S'il faut rajouter de la toile, ce sera
plus facile que de réduire dans cette mer de folie qui à l'air
de s'énerver.
A peine avons-nous organisé notre voilure réduite que des trombes
d'eau nous tombent dessus... De grosses gouttes qui vous trempent en 2 rincées.
Il pleut à seaux (comme on dit......) Le raffut et le brassage des
vagues, deviennent éprouvants. On avance vite mais c'est très
inconfortable. Laurent est renfrogné... Je le sens nerveux.
La pluie se transforme en fin brouillard, et le vent d'un coup tombe complètement.
Nous ne sommes plus appuyés sur les vagues et le brassage devient franchement
pénible. (Merci Nautamine, ça me permet de tenir la route...).
Le niveau sonore redevient acceptable. Le vent se stabilise et chantonne dans
les haubans. Cela a duré 1/4 d'heure. Nous venons d'affronter notre
premier grain. Le monstrueux nuage noir qui bouchait le ciel s'éloigne.
C'est alors que nous remarquons un bruit très suspect. Vous savez cet
affreux grincement d'une mécanique prête à rompre son
contrat de travail ... C'est bien entendu au niveau de la bôme que ça
se passe.
Laurent l'observe d'un air peu amène.
- Elle est nulle cette bôme. Elle n'est pas adaptée à
ce bateau. Elle va nous péter sur la tête.
Génial, le grain avait neutralisé mon angoisse. Du coup, elle
me remonte violemment au niveau de l'estomac. Maintenant je sais au moins
de quoi j'ai peur... Pourtant, je crois bien que j'entends pas le même
grincement que lui. Peu importe, c'est très préoccupant. Puis-je
exprimer mes doutes ?
* A mon avis, ce n'est pas un problème de fixation de la bôme.
Je crois que le bruit vient de l'arrière de la bôme, pas de l'avant,
ni du milieu. C'est quoi ce bruit ?
- Pourquoi tu poses des questions idiotes... Regarde seulement cette fixation,
tu verras que ça vient pas de l'arrière.
Sauf que moi, quand je veux entendre d'où vient un son, avant de regarder,
j'écoute. Et plus j'écoute, plus ça vient de derrière.
Franchement, il m'énerve ce mec. Puisque c'est comme ça, je
me tais. C'est pas que je boude, mais je préfère réfléchir
pour moi toute seule. D'abord, je ne supporte pas qu'on m'accuse de "question
idiote". Depuis des années, je m'entraîne à ne poser
que des questions intelligentes. Et vlan, d'un coup, juste parce que Monsieur
est de mauvaise humeur, il me saccage de dures années de labeur intellectuel...
D'abord si on nous avait appris à poser des questions intelligentes
quand on était petit on serait sûrement moins bête en devenant
vieux... Voilà encore un précepte éducatif que je découvre
trop tard. Quel dommage pour mes gamins... D'ailleurs, il est réconfortant
de penser qu'il n'y a pas de question bête. Il n'y a pas non plus de
questions mal posées. Il n'y a que des questions mal comprises.(et
toc pour Laurent)
C'est qui le nigaud dans ce cas là, hein ?
Pendant que je remue tout ce fatras dans ma cabosse, le grincement s'amplifie
donc va devenir identifiable, ou comme dit Laurent, "nous pétera
sur la tête". Mais je me désintéresse de cette chose
plus que douteuse
On a bien ralenti, il ne pleut plus, on avance à moins de 4 noeuds,
et j'ai mal au coeur...
Laurent sort du carré. Il observe longuement la bôme. Incroyable,
il se gratte la tête. Ouf on est sauvé. Le génie va bientôt
sortir...
- On est des cloches... C'est la 3ème prise de ris qui grince... Tout
de même c'est farceur un cordage quelquefois...
"On" qui dit... il continue avec sa douce voix des jours amoureux...
- Il faut qu'on envoie toute la voile, profitons-en, le vent est bien tombé
et on pourra avancer. On sera appuyé sur l'eau et moins secoué,
d'accord ?
Lumière de hune, lumière de pont... Harnais bien arrimé
à la ligne de vie. Nouveau branle-bas de combats... Manoeuvre rondement
menée dont l'efficacité est remarquable. On passe d'un coup
à plus de 8 noeuds.
A 23 heures, on active le radar. Je m'allonge sur la couchette navigateur
du carré, Laurent sur la banquette. On dors côte à côte
même si ce n'est pas au même étage et on peut communiquer.
Et puis je me sens si seule, si triste, je suis contente qu'il reste près
de moi. Mais c'est une nuit infernale. J'ai dénombré 16 sortes
de sons différents, qui se partagent entre les allures du vent ; les
sifflements frottements, grincements d'écoutes ; les battements de
drisses ; les raclements et grincements de poulies ; les claquements, chuintements,
ou frappes de l'eau et des vagues sans oublier le glissement du bateau sur
la mer et les ronflements de Laurent. Mais il y a, aussi et surtout quand
on veut dormir, la ferlette facétieuse ou le jeu de clés nerveux
qui vont se balancer contre une cloison ; il y a une bouteille on une conserve
mal calée qui va se balancer au fond d'un coffre ; il y a le bouilloire
ou la cafetière grince sur la gazinière ; il y a le bois des
équipés et des cloisons qui travaille ; il y a une porte mal
bloquée qui claque... Il y a le pilote automatique qui gémit...
ou encore pire, qui ne gémit plus...
Pensez si j'ai eu le temps de les dénombrer tous ces parasites. Lorsqu'un
bruit est identifié, je ne m'en soucie plus... Quand j'ai un doute,
je réveille Laurent... Réponse invariable entre sommeil et réveil
comateux
- T'inquiète pas, c'est normal, dors...
Combien de temps prévu ce voyage ? une vingtaine de jours ? Dans ces
conditions ? Au secours ...
Mardi 8 janvier 2001
D'étranges nuits s'organisent. Je me couche vert 2O heures
sur la couchette navigateur au niveau des hublots du carré. Laurent
veille dehors jusqu'à 23 heures ou minuit. Il se couche à l'avant
et met le radar en veille. Ce qui est génial c'est que le radar réagit
dès qu'un grain s'annonce dans un rayon de 2 milles. J'ai donc le temps
de sauter du lit pour surveiller notre navigation et adapter éventuellement
la voilure à l'état du ciel. Ainsi je peux à la fois
dormir et veiller... Quelquefois, le radar m'alerte pour du semblant de grain,
j'attends simplement qu'il passe en surveillant l'écran. Quelquefois,
il est carrément dérouté vers l'Est et nous frôle
sans nous toucher, je le surveille jusqu'à ce qu'il soit sorti de notre
zone. Quelquefois, au moins deux fois dans la nuit, il nous dépasse
et nous arrose copieusement... Si c'est un petit grain je me contente de fermer
les issues extérieures, si c'est un gros grain, je donne quelques tours
à l'enrouleur pour soulager le pilote automatique et je surveille ces
surfs intempestifs qui ont vite fait de nous coucher dans la houle... En gros,
je dors une heure et je suis en état d'alerte, scotchée devant
l'écran radar environ une demi heure. Mais ces veilles passent très
vite. Je regarde bouger le ciel, et je suis fascinée par les gros amas
de nuages qui se promènent sur l'écran radar... Quand tout rentre
dans l'ordre, que réapparaissent les étoiles, je réactive
l'alarme et me recouche pour un nouveau cycle de veille passive. Vers 6 heures
du matin, lorsque le jour est levé, Laurent prend la relève.
je peux enfin dormir profondément quelques heures.
La nuit, je ne sais pas évaluer la hauteur de la houle, ni la violence
des vagues. Il y a simplement des ombres bruyantes qui passent autour du bateau
ou dessous. D'énormes paquets de nuages noirs traversent le ciel qui
se confond avec l'horizon.
Lorsque le jour se lève et s'il n'y a pas de grain, la mer est beaucoup
plus stable que le soir. On voit très loin à l'horizon et la
houle est longue, même si les creux sont profonds. Le réveil
est toujours apaisant. La journée qui s'annonce promet d'être
meilleure.
Jeudi 10 janvier 2001
On touche enfin l'alizé. On navigue avec le génois
sur enrouleur tangonné à tribord et le foc Pichon tangonné
à bâbord, question d'équilibre. Cela permet d'assurer
le tirage du bateau vers l'avant. La mer est toujours aussi pénible.
On croise notre premier cargo en pleine nuit ; encore un qui est en plein
sur notre route. A vrai dire on ne le croise pas, il vient de derrière
et veut nous passer devant pour aller vers le sud. Mais ça ne semble
pas le préoccuper. C'est toujours la même histoire. Laurent l'appelle
par VHF, mais c'est la sourde oreille.
A un demi mille, on décide de se dérouter. On est devenu plus
malin, on a un radar et on l'utilise désormais. Quand le cargo nous
double, Laurent le rappelle. Le mec répond qu'il est désolé,
il ne parle que l'anglais. Laurent reprend.
- Vous nous avez vu ?
- Bien sûr, pas de problème. Merci pour la manoeuvre. Beau travail.
C'est sûr, ça nous réconforte d'entendre ça. Mais
est-ce si rassurant qu'on veut bien se le dire ?
Nous sommes familiarisés avec les grains qui sont quotidiens. Il y a toutes sortes de grains, les gros sont impressionnants. Jusqu'à ce jour, en fait de gros grain, je ne connaissais que celui que ma grande soeur achetait en mercerie pour finir ses jupes... Ce qu'ils ont de communs avec ceux de la mer, c'est qu'ils sont noirs...
D'abord l'air s'agite autour de nous, un petit souffle de plus....
Un rien d'accélération qu'on sent nettement au niveau de l'oreille.
Le son et la caresse deviennent plus appuyés... On jette un oeil vers
le ciel, la grosse masse noire du nuage nous rattrape à toute allure.
La houle instantanément se creuse. On passe fréquemment de 2
/ 3 mètres de houle à plus de 6 mètres. La surface de
l'eau se froisse. La mer devient noire. C'est le moment de réduire
la voilure, On roule le foc enrouleur à la même taille que le
foc Pichon, c'est à dire environ de moitié.
D'un coup le voilier bondit. Le vent s'oriente plus Nord que Est. Le pilote
automatique n'aime pas ça et nous déroute... Les vagues nous
rattrapent à fond de train. Elles nous soulèvent par l'arrière
et nous glisse en douceur vers l'avant. J'appelle ça l'allure érotique.
C'est vrai tout de même, ça ne se fait pas de prendre les gens
comme ça par leur dessous, et par l'arrière. L'eau prend des
reflets inquiétant, couleur bronze.
Dans ces cas là, on se sent plus tranquille de barrer à la main.
Il est arrivé qu'on surfe sur une vague. On passe alors de 7/8 noeuds
à plus de 10. Pas le moment de s'affoler. C'est grisant aussi. Lorsqu'on
est debout derrière la grand'roue, qu'on est à la crête
d'une vague de 6 mètres et qu'on se voit plonger dans la suivante...
Et puis le vent qui hurle dans les oreilles, les vagues intempestives qui
ne suivent pas leurs copines et nous frappent de temps en temps par le travers.
Ah, celles-là sont vraiment traîtres. On a beau être arrimé
au cockpit, si chute il y a, elle prome d'être sévère.
La pluie tombe d'un coup et très violemment. Les gouttes écrasent
la mer. Des millions de perles de cristal piquent la surface de l'eau et dominent
la houle qui s'aplatit à vue d'oeil. La mer est domptée par
le grain. Elle s'étale en immenses dunes mouvantes. Le vent retombe
presque instantanément. Métamorphose incroyable, on savait depuis
la Corse et grâce à Danièle que la mer dans le brouillard
devenait du lait. La mer sous un grain devient à la fois du sucre et
du sable.
Il m'est arrivé d'être allongée dans la couchette navigateur au niveau des hublots du carré. Quand les creux se forment, d'un coup les hublots se voilent. Je vois arriver la mer et j'ai l'impression d'être dans un "vision scaph". Il n'y a plus d'horizon, juste une eau claire avec quelques éclats qui bouillonnent. Y a pas de doute de temps en temps dans le bouillon, j'y suis pour de bon.
Mais quelquefois les grains sont insignifiants et on ne réduit pas systématiquement la voilure. On est maintenant à peu près capable de les évaluer, à la taille des nuages et au vent...
Le ciel est toujours extraordinaire. Des nuages en pagaille, de toutes sortes. Déchiffrer les nuages, ça prend un temps considérable. C'est très ludique. Presque autant que de déchiffrer les étoiles.
Chaque matin au lever du soleil qui troue les nuages un magnifique arc en ciel surgit à l'ouest. Pile en face de nous. Il nous ouvre son immense porche pour la journée. J'adore cette vision du matin.
Le soir l'arc en ciel est au nord est... Il paraît plus proche. On a quelquefois l'impression qu'en tendant le bras on pourrait le toucher. Il pose ses pieds sur la surface de l'eau pour son bain du soir. J'ai des fois envie de lui passer une savonnette et une serviette de bain.... Je fais des commentaires pour lui sur l'état de la mer...
Samedi 12 janvier 2002
Laurent devient un expert de la pêche; Deux jours sur trois on mange le produit de la mer. En général c'est de la daurade. On la prépare de bien des manières, à l'ail, à la crème, à la moutarde, nature, panée... Un fois, une sorte d'aiguillette, un poisson très fin, très goûteux, un pur délice qui nous a fait deux repas... Et puis aussi du tazard...
Notre pain de mie, qui datait des Canaries a fini par moisir. J'ai de la farine de campagne et levure de boulanger déshydratée, alors je fais notre pain... L'arôme du pain frais qui cuit dans le four au milieu de l'océan, inoubliable sensation; pour moi c'est la plus extraordinaire de toutes les sensations que j'ai pu ressentir pendant ce voyage.
Lundi 14 janvier 2002
Depuis notre départ jusqu'à maintenant, j'ai traversé
des moments d'angoisse inexplicable. Un matin, je suis sortie du carré,
Laurent venait d'installer sa ligne de pêche. Il devait être 8h
le matin, soleil, mer à peu près sage... Tout allait bien. Et
puis j'ai vu la mer au niveau du pont... .. Les vagues qui montaient au delà
de l'étrave. J'avais l'impression que le voilier bondissait n'importe
comment. J'ose à peine l'avouer, mais j'ai trouvé qu'il y avait
trop d'eau partout. Est-ce qu'on ne s'est pas enfoncé pendant la nuit
? Alors en douce, je suis redescendue dans le carré. J'ai soulevé
quelques lattes du plancher, ouf, y'avait pas d'eau...
La nuit qui tombait aussi m'affolait quelquefois. Mais c'était juste
pour moi en secret... Aux premières accélérations de
mon coeur, je me forçais à scruter la mer, pour y trouver les
reflets magiques qui rassurent, les effets que je connais bien, tout ce qui
peut m'être familier depuis ces quelques jours de navigation.
Lorsque nous assurons nos quarts, la règle est de s'attacher, quel
que soit le temps. Dès l'instant que l'un de nous dort, l'autre s'attache
au cockpit. S'il bouge de son espace protégé, il réveille
l'autre... Nous avons très vite adopté cette règle, parce
que sinon, je me réveillais tous les 5 minutes pour m'assurer que Laurent
était toujours à bord., que le moindre choc de vague ou de cordage
n'était pas le bruit de sa chute dans l'eau. Il s'est vite rend compte
à quel point ce souci me pourrissait la vie. Il respecte donc ce contrat
de sécurité et je peux jouir pleinement de mes temps de repos...
Et puis aujourd'hui, c'est un grand jour on a bouclé
la moitié de la route. Nous venons d'ouvrir une bouteille de Rioja
pour fêter ça. Il se passe dans ma tête quelque chose de
difficile. Depuis notre départ, il y a de multiples moments d'enchantement,
mais il y a toujours tapie au fond de mes entrailles, un incontrôlable
malaise. Voilà que je comprends pourquoi ce malaise. Dans la première
partie du voyage, on quitte la terre et on s'enfonce loin dans la mer, de
plus en plus loin. Chaque mille qui passe nous livre de plus en plus à
la mer et à l'insécurité. Aujourd'hui on change d'option.
C'est la deuxième partie du voyage et chaque mille qui passe nous rapproche
de la terre, chaque mille qui passe nous rassure. Et puis, la première
partie c'est vraiment bien déroulée sans rien d'insurmontable,
alors y'a pas de raison que ça change.
Finalement, peut-être qu'on en sortira de ce voyage un peu fou., vraiment
pas fait pour des gens de la terre.
Mardi 15 janvier 2002
Nous utilisons depuis Gibraltar, le pilote automatique tout neuf parce que s'il doit tomber en panne nous préférons que ce soit pendant qu'il est sous garantie. Celui du bateau est en secours... Laurent a été fort déçu par cet outil tout neuf qui ressemble vraiment à un jouet lorsqu'on l'installe et qu'on le regarde de près. Donc ce jouet depuis ce matin patine... et ça défrise Laurent qui lui promet une mort certaine s'il nous fait défaut.
Mercredi 16 janvier 2001
Depuis le temps que Laurent affirme que ce pilote SIMRAD est
une merde infâme... Il a enfin eu raison... Le pilote à peine
né est mort. Encore un beau cirque. Fin d'après midi, avec toujours
la houle qui nous secoue allègrement... Installation de la barre franche.
Là je m'offre un moment de pur délire sportif à la barre
franche. Je retrouve des sensations sympathiques, le contact rude avec le
bateau, avec la mer. C'est épuisant mais magnifique. Ensuite désinstallation
de la grand roue pour changement de pilote.... entre deux grains....
En calant son matériel sur la table du carré le mieux qu'il
peut, Laurent désosse le pilote SIMRAD. Il diagnostique une usure précoce
de galets plastiques... Il les inverse, histoire d'user l'autre face et de
continuer à piloter avec....
Remanip de changement de barre. Toujours entre deux grains, réinstallation du SIMRAD... Ca marche.... Si, si, je vous jure, un vrai miracle... ça marche comme si c'était neuf.... pendant 2 heures. Au moment où la nuit tombe, d'un coup le SIMRAD ne répond plus. Il n'y a plus de pilote à bord... Et là c'est définitif. La courroie s'est rompue. Pas commode du tout la troisième manip de transfert de barre, puis de pilote.... Parce que voyez-vous, la mer nous chahute toujours durement et en plus il fait nuit noire. Par exemple histoire de faire la vraie pagaille il pourrait nous tomber dessus un nouveau gros grain.... qu'on verrait pas venir, vu que la nuit est noire comme de l'encre.
Bon, le gros grain nous est épargné, ressaisissez-vous
; On a tout remis bien comme il faut avec le pilote d'origine du voillier.
Matériel moins puissant, moins sophistiqué mais il paraît
d'excellente facture... Bon vaut mieux pas parler de Laurent en ce moment.
Dans sa tête c'est aussi la nuit noire.
Que dit-il Laurent :
- Tu sais, on n'est pas des marins. On n'est pas prêt pour les tracas
de navigation. J'en ai marre d'affronter tous les problèmes. Je me
sens seul.... Jai le cafard...
Je m'offre une douce vengeance pas charitable du tout :
- T'inquiète pas c' est normal, dors !
Mais c'est une nuit apaisante, qui porte de bons conseils. Je vais Laurent
dans sa couchette avant et l'invite à me rejoindre un moment dans la
douceur du cokpit... Il vient scruter la nuit dehors, passer un moment de
douce rêverie sous les nuages. Lorsqu'on est calé dans le cockpit,
les mouvements du bateau sont plus doux, on s'y sent très très
bien.
Jeudi 17 janvier 2002
Journée de profonde déprime. Le pilote déficient
nous a tué le moral. Et en plus la météo s'annonce catastrophique
avec des vents à 28/30 noeuds pour le week-end (jusqu'à mardi)
et une mer qui va aller en se creusant. Rien de dangereux en perspective mais
question croisière, le rythme n'y est pas.
Comme dirait notre ami météo canadien.
- Vous n'avez pas de chance, ça va brasser...
Il nous dit aussi qu'une ligne de grains nous arrive dessus
et qu'on est en plein dans la zone. Ce phénomène aggravant ne
va pas nous simplifier la vie. Il nous suggère donc de tirer un bord
vers le nord (au lieu de l'ouest) quitte à nous dérouter un
peu pour naviguer dans de meilleures conditions.
Conseil judicieux, mais je ne sais pas si ça nous simplifie la vie.
Nous naviguons au grand largue et on affronte les vagues presque de face.
Mais nous appliquons à la lettre ce bon vieux précepte de marins
avertis.
"A l'annonce du mauvais temps, il faut le fuir tribord amure". (du
moins tant qu'on est dans l'hémisphère nord).
C'est une nuit d'horreur. On ne ferme pas l'oeil de la nuit.
C'est épouvantable le raffut que ça subit un bateau. Et lorsque
la mer est bien levée et que le vent suit, c'est infernal. Il faut
ajouter à cela que le chahut des vagues nous a garanti des chutes sévères,
une bonne dizaine de bleus chacun et souvent fort impressionnants. Et ça
ne nous amuse pas du tout, mais alors vraiment pas du tout.
Pour la veille, Laurent ne peut pas dormir à l'avant. Il réintègre
la banquette du carré. Dans l'euphorie de le savoir si près,
j'oublie ma toile anti-rouli. En principe on est sur le bon bord pour être
scotché contre la cloison. Mais les vagues sont facétieuses...
Au milieu de la nuit, je suis violemment basculée en bas de ma couchette
et je tombe sur quelque chose de délicieusement mou, d'incroyablement
élastique... Pauvre Laurent... Je suis coincée sur lui, entre
la table et sa couchette... Quant à lui, il a du mal à comprendre
ce qui arrive et gigote comme il peut pour se dépêtrer de cette
chose énorme qui l'étouffe... Quand je vous parle d'une nuit
d'horreur...
Vendredi 18 janvier 2001
On est sorti de la zone sensible, au delà du 15°30'
de latitude, on reprend notre cap plein ouest. Quel soulagement. La houle
est toujours de 3 ou 4 mètres mais çà nous paraît
merveilleusement calme et stable.
Nos deux focs s'associent de nouveau avec allégresse pour nous tirer
bien vers l'avant. Nous sommes plein vent arrière désormais.
Après les maltraitances du bord de largue, cette allure mémère
nous paraît délicieusement confortable. On se laisse aller à
de sympathiques observations maritimes. On écoute de la musique. On
chante. En mer, il suffit de si peu pour transformer la vie....
Dimanche 20 janvier 2001
Le vent nous était promis par nos amis météo,
la mer nous était annoncée par nos amis météo,.
On les a eus. Et ça continue. Et on en a marre d'être secoué.
C'est épuisant, exaspérant, désespérant. Les objets
sont doués d'animation. Ils échappent complètement à
notre contrôle. Mais de quoi veulent-ils donc se venger ?
Vous posez un verre dans le fond de l'évier avec un peu de café.
Vous le lâchez une seconde pour prendre un sucre, sûr et certain,
c'est à ce moment là qu'il se renverse. Vous voulez boire un
verre d'eau, vous ne savez pas comment ni pourquoi la moitié du contenu
se répand sur votre menton, encore heureux quand il ne s'agit pas de
vin rouge ou de chocolat chaud. Vous posez un outil sur une table, c'est garanti,
assuré, il vous giclera sur les pieds malgré les rebords de
table, dès que vous le quitterez des yeux. Si c'est une énorme
clé à mollette, c'est dommage pour vos orteils. Les sièges
vous expulsent violemment contre n'importe quelle paroi, les marches des escaliers
c'est le casse binette garanti... Les revues et les bouquins volent à
travers le carré. Vous prenez des claques et des coups de vous ne savez
quoi, ni d'où ça vient... C'est éprouvant parce que ça
ne prévient pas, et on a vraiment l'impression que c'est fait exprès
juste pour nous embêter. Je n'ai jamais entendu Laurent maudire les
objets autant que depuis ces quelques jours... Des fois on essaie d'en rire,
mais c'est trop usant, jamais ça ne s'arrête et en plus c'est
souvent douloureux. Quand on fait des manoeuvres, roulez du foc ou choquer
une voile, on est systématiquement déséquilibré
en plein effort...
Et puis de temps en temps la mer s'assagit. En général juste après un grain. Ca ne dure pas longtemps, mais c'est un bien doux bonheur.
Lundi 22 janvier 2002
A 9 heures locales, il nous reste 194 milles. Depuis deux nuits
nous avons décidé d'accélérer la cadence. En assurant
une veille active alternée nuit et jour, sans réduire le foc
(sauf sous grain violent), on doit pouvoir assurer 150 milles par jour, ce
qui nous permettrait d'arriver demain soir...
Donc on fait des "quarts" de deux heures chacun. J'ai du mal à
prendre le rythme et je ronchonne quand je dois m'extirper de mes rêves
au bout de deux heures. Pourtant une fois dehors, j'aime bien me trouver seule
sur le pont avec les étoiles et la lune et surtout les nuages... S'il
y a un grain, on se fait vraiment rincer.... Idéal pour nous tenir
éveillés. S'il n'y a pas de grain, on chante (ça ne les
fait pas forcément venir mais ça évite qu'on s'endorme...).
Le lendemain on est un peu enroué, coup de frais du grain ou fatigue
vocale... Un peu des deux probablement.
Les amis radio amateurs tourangeaux qui nous ont accompagné tout le
long de ce voyage sont enthousiasmes et heureux lors de la vacation de nous
savoir si près du but. Pendant ces 17 jours, les uns ou les autres
se sont toujours debrouillés pour avoir le contact avec nous. Cet accompagnement
a été pour nous un bonheur inestimable. Au milieu de la mer,
à des centaines de milles de la terre ferme, on était rassuré
de les savoir là, vigilants et attentifs à nos moindres soucis,
à nos moindres états d'âmes, à nos moindres bonheurs...
Ils se sont fait du souci pour nous, ils se sont réjouis avec nous,
ils ont été de tout ce voyage, fidèles et disponibles,
Jacques, F5TA, Pierre F6BLN, Raymond, F2DQ, Roger F6BWK, Michel F6EUV, Vous
avez été le lien avec mes enfants, vous avez été
les voix qui rassurent, qui réconfortent et qui se réjouissent
avec nous... Et puis l'incontournable réseau météo du
capitaine, géniale et chaleureuse assistance ... Amis OM votre amitié
est un trésor inestimable.
Mardi 23 janvier 2002
Il est environ midi locale. A une vingtaine de milles on aperçoit dans la bande grise de l'horizon des découpes un peu plus sombres... La Martinique enfin se dévoile... Nous avons longuement étudié le guide, les cartes, nous savons où atterrir ? L'idée d'arriver nous transporte de joie... Enfin, en ce qui me concerne, pas trop longtemps. Très vite, je me torture la cervelle en projections hasardeuses... Comment ça va se passer ? D'abord qu'est-ce qui prouve que c'est la Martinique ? La carte signale des patates partout, des immenses rochers qui affleurent à la surface. Saurons-nous les repérer ? S'il fait nuit quand on arrive, comment s'en sortir ?
Notre arrivée se passe dans une ambiance tendue. Alors
qu'on devrait être fous de joie, (on a toutes les chances, on arrive
à 16 heures en plein jour, on ne peut rêver meilleure condition)
, on est surtout très mal à l'aise.
Laurent parce que mes angoisses l'exaspèrent.
- y'a aucun problème et je comprends pas pourquoi tu stresses comme
ça.
Au moment où il finit ça phrase, les signe précurseurs
d'un bon grain s'annoncent. Ce n'est vraiment pas le moment... Il nous faut
donc encore négocier celui-là et pas des moindre avant d'entrer
à l'abri.
Lorsque nous arrivons dans la baie "du Marin", on prend l'alizé
de face. Je n'ai plus l'habitude de cette sorte d'allure. Le vent me hurle
dans les oreilles, et même au moteur pour traverser les zones de mouillage
et s'engager dans le chenal , le voilier par moment se couche. Je suis effrayée...
Le tour de force c'est d'installer les défenses le long de la coque
et de préparer les amarres alors que je suis terrorrisée et
en semi sommeil. Je me rends bien compte que les plages sont bordées
de cocotiers et que j'entre dans l'exotisme. Mais ça a plutôt
des allures de cauchemar. Je me sens loin, loin de la magnifique réalité
des cartes postales qui défilent sous mes yeux. Rien ne va dans ma
tête. J'en pleurerais de désespoir. Je n'ose pas regarder Laurent,
je crois qu'il n'est pas au mieux de sa forme. Que nous arrive-t-il ?
Le port nous accorde une place. La capitainerie nous envoie des marineros
pour l'accostage. Quoi rêver de mieux ? ...
Une demi heure plus tard, nous sommes solidement amarrés à un
quai sympathique. Nous nous laissons tomber sur les bancs du cockpit, et on
respire un grand coup. Nous nous sentons assommés, vidés. Je
prends la main de Laurent, on se blotti l'un contre l'autre, et on respire,
on respire. Il est là, tout beau, tout chaud, tout entier...
- Tu te rends compte, on est arrivé en Martinique, tous les deux, tous
seuls.....et à la voile....
- Tu sais à quoi je nous fais penser ?
- A deux voileux débutants ?
- Non, à deux pucerons, qui seraient tout fiers d'avoir traversé
une mare aux canards....
Et on rigole, on rigole... Un excès de fatigues peut-être....
On réfléchira à ça demain....
INTERMEDE COUCOU NET d'étape
- Allo !
- Bonjour Docteur, la Noiraude à l'appareil.
- Ah, bonjour la Noiraude, alors vous êtes arrivée, tout va bien
?
- Oui, génial, j'en aurai des choses à raconter. Pourvu que
j'oublie pas trop vite.
- Et vos impressions sur la voile, dites-moi, que ressentez-vous ?
- Vous savez Docteur, c'est vachement bien la mer, l'atlantique, la voile,
tout ça... Mais c'est pas une vie pour une vache. Pourtant c'est une
vache de vie.
NOTA BENE :
* je n'ai pas inventé la Noiraude. Elle a réellement existé
: émission pour la jeunesse du petit écran dans les années
1975.
* pour ceux qui souhaitent nous joindre par téléphone nous disposons
d'une ligne locale en Martinique :
06 96 38 71 34 à utiliser sans modération, (c'est vous tous
seulsqui paierez la communication contrairement au contrat SFR qui fait payer
les deux correspondants) Attention au décalage horaire - moins 5 heures.